Qui ne connait pas La Mère Poulard, son auberge au Mont Saint-Michel, sa fameuse omelette soufflée ? Et maintenant aussi toute sa gamme de biscuits et autres douceurs. Je retrace ici son histoire.
Je ne pouvais pas aller au Mont Saint-Michel pour une battle de pâtisserie dans la cuisine de l’auberge de la Mère Poulard sans vous proposer cet article sur la mythique omelette de la Mère Poulard et son histoire. Et comme tout est intimement lié, je vous parle ici aussi du Mont Saint-Michel, de la baie et de la cathédrale, d’Annette Poulard…
Annette Poulard. Annette Boutiaut de son nom de jeune fille n’a pas grandi dans une cuisine comme beaucoup de cuisiniers. Elle était femme de chambre, issue d’une famille de maraîcher. Au service d’Edouard Corroyer, architecte en chef des Monuments historiques, elle l’a suivi au cours de ses fréquents séjours au Mont Saint-Michel lorsque ce dernier a eu pour mission de restaurer l’Abbaye en 1872. C’est là qu’Annette, à 21 ans, tombe amoureuse du fils du boulanger local, Victor Poulard. Le mariage suivit de peu (janvier 1874) puis les deux tourtereaux reprennent l’Auberge de « Saint-Michel Tête d’Or » située dans la Grande-Rue du Mont Saint-Michel.
Il n’y avait alors que trois auberges pour accueillir les rares visiteurs. Il faut dire qu’à cette époque l’accès au Mont était très périlleux. Il fallait parfois attendre de longues heures pour que la traversée soit possible. De plus l’Abbaye, désaffectée depuis 70 ans, était en piteux état (d’où la restauration !) et n’attirait plus grand monde. Elle avait longtemps servi de prison et cette période, avec les flux que cela engendrait, était terminée. Les débuts de l’auberge sont donc modestes, mais les pèlerins commencent à venir au Mont peu à peu. Et par voie de conséquence les touristes aussi.
Les visiteurs arrivaient au Mont Saint-Michel au gré des marées et de l’état de la grève, bien souvent décalés avec les heures classiques de repas et parfois affamés après une longue attente.
C’est là qu’Annette inventa le fast food avant l’heure, un plat prêt en deux temps trois mouvements pour requinquer les arrivants, une bonne omelette généreuse. Cela n’empêchait pas certains de faire un repas complet à l’auberge ensuite ! Elle guettait l’arrivée des visiteurs du haut des remparts pour en évaluer le nombre. Les rabatteurs se chargeaient de les guider vers l’auberge pendant qu’elle battait les œufs.
Et la magie opéra. Un grand feu de bois dans l’âtre de la cheminée, le sourire de l’hôtesse et des ventres rassasiés. A tel point de devenir célèbre presque autant que le Mont, amenant des gourmands et gastronomes du monde entier, célébrités, pèlerins ou simples touristes. Aujourd’hui plus que jamais. Il y a d’ailleurs au premier étage de l’auberge une quantité impressionnante de photos de personnalités venues déguster l’omelette de la Mère Poulard, qui fait désormais partie des institutions de la gastronomie française connue dans le monde entier.
Une omelette mais pas n’importe quelle omelette, une omelette soufflée, baveuse à souhaits mais aussi très voluptueuse. Comme pour d’autres recettes mythiques, la recette et le tour de main son secrets. Toutes les hypothèses ont été avancées : Les blancs seraient montés en neige (c’était l’hypothèse du célèbre critique gastronome Curmonsky qui pensait que la recette était tirée du roman La Rabouilleuse de Balzac), les blancs et les jaunes seraient battus séparément voire même une partie des blancs serait jetée. Ou encore on ajouterait du lait, de la crème ou je ne sais quoi.
J’ai fait la petite souris dans la cuisine de la Mère Poulard, au coin du feu, et voilà tout ce que je peux vous dire : la préparation (visiblement uniquement à base d’œuf) est très généreusement battue au fouet dans un cul de poule en cuivre (ça fait d’ailleurs une jolie musique, on dirait presque des percussions). Des œufs plein air donc et … du beurre (en cette période où on peine à trouver du beurre en France, la Mère Poulard arbore d’incroyables mottes qui font tellement envie !!!). La poêle en fer munie d’un très long manche est chauffée très fort dans l’âtre de la cheminée et une grosse noix de beurre est mise à fondre (sans colorer). Puis l’omelette est mise à cuire, la poêle à même les flammes du feu, avec une alternance coup de chaud sur les braises et repos sur le coin de la cheminée. Elle reste encore baveuse sur le dessus, enfin elle est tellement aérienne qu’on voit plutôt des centaines de petites bulles d’air, comme un espuma ou une émulsion. L’omelette est servie repliée en deux dans l’assiette, toujours nature avec une garniture à part (lard, saumon, champignons…). J’ai également goûté la version sucrée avec une compotée de pommes et flambée au calvados.
L’auberge de la Mère Poulard se trouve à l’entrée du Mont Saint-Michel. Une rivalité entre frères a obligé le couple Poulard à céder au jeune frère l’hôtel de la tête d’or. Ils ont donc fait construire et ouvrent en 1888 l’actuelle auberge dans la Cour du Boulevard, juste après la Porte du Roy. D’abord appelée l’”Hôtel Poulard Ainé” puis rebaptisé “A la renommée de l’omelette” pour n’utiliser aujourd’hui que le nom de “Mère Poulard”. La salle du rez-de-chaussé du restaurant est à même le rocher, comme dans biens des endroits dans le village et l’Abbaye. On y sert l’omelette bien sûr et d’autres spécialités locales : l’agneau du pré-salé et le velouté de homard à la normande. L’auberge est tenue par le Chef Alain Grespier.
La Mère Poulard c’est aujourd’hui l’auberge et tout un tas de lieux au sein du Mont où dormir, se restaurer et trouver des souvenirs. Une gamme a été développée avec des recettes traditionnelles, un choix soigneux des matières premières et surtout autant que possible un sourcing et travail local. Pour ce qui se mange ou se boit : biscuits (sablés, palets, galettes, cookies natures ou aromatisés), caramels, chocolats, confitures, cidre, tartinades et autres gourmandises… La biscuiterie de la Mère Poulard se trouve à 25 kilomètres du Mont. Les biscuits sont garantis origine France et pur beurre, œufs de plein air, blé issu de l’agriculture raisonnée. Sans OGM, sans conservateurs et sans arômes ni conservateurs artificiels. Et en plus ils sont délicieux !!! J’aime beaucoup le design des boites métalliques. On a vraiment envie de les garder pour les réutiliser.
A lire aussi :
- Un retour sur la battle de pâtisserie qui m’a amenée chez la Mère Poulard au Mont Saint-Michel pour deux belles journées de rencontres, découvertes et gourmandise.
- La recette réalisée pour la battle, des tartelettes aux sablés, crémeux citron, poêlée de pomme verte et fenouil et gelée de basilic.
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Omelette soufflée de la Mère Poulard par Thierry Marx
Ingrédients
- 10 œufs à température ambiante
- 100 gr beurre
- sel du moulin
- poivre du moulin
Instructions
- Séparez les blanc des jaunes d’œufs. Battez les blancs doucement et incorporez les jaunes pour rendre la préparation onctueuse et mousseuse.
- Faites fondre 60 gr de beurre dans une poêle, versez les œufs et faites cuire en rabattant les bords vers le centre. Lorsque l’omelette est bien soufflée, ajoutez le reste du beurre coupé en petits dés. Salez, poivrez.
- Faite glissez l’omelette sur un plat en rabattant une moitié sur l’autre, l’omelette ressemblant ainsi à un chausson.