Origine et histoire de la crêpe Suzette

origine et histoire de la crêpe Suzette

Savez-vous d’où vient ce plat emblématique ? Qui était Suzette ? Et que contrairement aux idées reçues, la recette originelle n’est pas flambée mais traditionnellement avec un beurre d’orange ?

Origine de la création des crêpes Suzette

Comme pour beaucoup de recettes du répertoire français, historiens et gastronomes avertis ne sont pas tous d’accord quant à la véritable origine des crêpes Suzette.

L’histoire la plus communément donnée

Il est communément écrit que les crêpes Suzette auraient été inventées à Monté-Carlo en janvier 1896 par un cuisinier (sans doute Auguste Escoffier alors chef de cuisine au Grand Hôtel) pour le Prince Galles et futur roi Edouard VII, fils de la Reine Victoria.
Ce dernier était accompagné par une certaine Suzette, Suzanne Reichenberg de son vrai nom (qui paraît-il n’était même pas sa petite amie). Auguste Escoffier propose au Prince de lui dédier cette recette, ce à quoi il aurait répondu « je n’en suis pas digne, nous donnerons plutôt à cette chose exquise le nom de cette jeune personne qui est avec moi ». Nous avons donc échappé à la crêpe Edouard, ce qui aurait été moins sexy !

Les comédiens du Théâtre-Français s’emparent de cette anecdote dans une de leurs pièces en mettant en scène une jeune Suzette qui sert des crêpes aux autres personnages. Et de là part la légende.

Comme pour toutes les recettes, il y a plusieurs controverses et même des usurpateurs.

En effet certains écrivent que c’est un élève d’Auguste Escoffier, Henri Charpentier, qui aurait servi les crêpes au Prince. Mais comme il n’avait que 16 ans à l’époque, c’est peu probable ! Quoi qu’il en soit Henri Charpentier s’est attribué l’invention de la recette des crêpes Suzette plus tard alors qu’il est cuisinier de l’industriel américain Rockefeller aux Etats-Unis.

On peut aussi lire que les crêpes Suzette aurait été inventées plus tôt, en 1890, à l’hôtel Savoy de Londres où Auguste Escoffier, le véritable inventeur donc, a officié.

Et comme souvent, l’ajout d’alcool aurait été une maladresse. C’est sans doute vrai, mais pas pour les premières crêpes devant le Prince d’après les historiens.

Qui croire ? Je penche plutôt pour les dires des historiens et notamment les ouvrages de Jean Vitaux dont j’ai tiré les éléments de ces explications.

La recette originelle des crêpes Suzette

Voici la recette qui semble être celle des origines :

Elle est composée de : Une pâte à crêpes faite avec 250 gr de farine, 3 œufs, 50 cl de lait, 40 gr de sucre et 2 cuillères à soupe de curaçao (eh oui, de l’alcool dans la pâte à crêpe aussi !). Un beurre de mandarine (beurre pommade et sucre à proportions égales, jus et zestes de mandarines et curaçao).
Je n’ai pas pu vérifier les proportions pour l’appareil à crêpes mais pour la garniture, voici ce qu’Auguste Escoffier dit lui-même dans son ouvrage « L’art culinaire français » : « Appareil parfumé au curaçao et suc de mandarines. Tartiner les crêpes avec le beurre composé suivant : travailler en pommade 100 g de beurre et 100 g de sucre en poudre. Ajouter un demi-décilitre de curaçao et le zeste d’une mandarine. Plier les crêpes en quatre ; les saupoudrer de sucre. Elles sont parfois flambées à la fine. ». Le Larousse Gastronomique dans son édition de 1938 explique les proportions de beurre, de sucre et d’alcool, et surtout la manière de faire. Une fois les crêpes fourrées, les plier en quatre et les servir brûlantes. A servir très chaud donc.

Aujourd’hui

La recette originelle des crêpes Suzette créée par Auguste Escoffier diffère donc en plusieurs points de ce que l’on cuisine communément aujourd’hui.

  • D’abord visiblement elles n’étaient pas toujours flambées. Certaines recettes flambent devant les convives, mettant les crêpes dans la sauce et au dernier moment le Grand Marnier est versé chaud puis flambé. Ca fait son effet ! Pour ma part je préfère flamber lors de la préparation.
  • La liqueur utilisée dans la sauce Suzette (ainsi que dans l’appareil à crêpes) était du curaçao (une liqueur d’orange) et pas du Grand Marnier. Quid donc de la fine comme dit dans le livre Escoffier : fine de Champagne ? Eau de vie fine ? on ne sait pas bien. Le curaçao à l’époque n’était pas bleu comme maintenant mais plutôt foncé. Il diffère des « triple-sec » type Combier et Cointreau (ces derniers sont moins sucrés et peuvent aussi être utilisés ici en substitution).
  • Autre différence, on parle de mandarine plus que d’orange, voire de mélange orange-citron utilisé aujourd’hui.
  • Enfin pour la sauce il est indiqué beurre d’agrume ou beurre de mandarine (selon les recettes de l’époque, étalé en pommade ou fondu et nappé). Les proportions de beurre et de sucre sont identiques dans les ouvrages anciens (je préfère réduire la quantité de beurre qui est énorme à mon goût).

Vous l’aurez compris, la recette vraiment traditionnelle est avec un beurre de mandarine et non flambé au Grand Marnier. Je vous propose les deux versions :

Et pour compléter le tout, un article complet pour de belles crêpes avec la recette de base, mes trucs et astuces et un article pour tout savoir sur la chandeleur : d’où vient cette tradition de manger des crêpes le 2 février.

Et enfin comme les crêpes ouvrent un maximum de possibilités, voici d’autres préparations.

Passionnée par la gastronomie et la découverte de nos traditions culinaires, je décortique les fêtes culinaires, histoire des plats traditionnels de la cuisine française, les expressions liées à la cuisine… A découvrir ici.

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1 commentaire
  • Bonjour, merci pour l’explication. Pour la Fine je pense qu’il s’agit de Fine Champagne et non Fine de Champagne. C’est un cognac fait de l’assemblage de deux régions (il y en a 7) : Petite champagne et Grande champagne. Le cognac est très souvent utilisé pour les flambages en salle.

    MH SIMON Professeur de service en restauration.